Thomasina. Septimus, qu’est-ce qu’un étreinte charnelle ?
Septimus. L’étreinte charnelle est… le mouvement par lequel
on se saisit… d’un quartier de bœuf…
Thomasina. Est-ce là tout ?
Septimus. Non… D’une épaule de mouton aussi. Ou d’une cuisse
de chevreuil, ou même d’une poule faisane. Du latin caro, carnis nom féminin, la chair.
Thomasina. Est-ce un péché ?
Septimus. Pas forcément. Mais quand l’étreinte charnelle est
une péché c’est un péché de la chair : c.q.f.d.
Nous avons rencontré caro dans notre Guerre des Gaules : « Les
Bretons vivent de lait et de viande », « Lacte
et carne vivunt ». Je constate que la semence est encore tombée parmi
les rochers…
Thomasina. Ça c’est le péché du prophète Onan n’est-ce pas ?
Septimus. Oui. Il essayait d’inculquer un peu de latin à la
femme de son frère, qui ne s’en trouvait pas plus sage pour autant. J’avais cru
comprendre que vous cherchiez la démonstration du théorème de Fermat…
Thomasina. C’est très difficile, Septimus. Il faudra me
montrer.
[…]
Thomasina. Si vous ne m’apprenez pas le vrai sens des
choses, qui le fera ?
Septimus. Vous avez raison. Honte à moi. L’étreinte
charnelle désigne à proprement parler les rapports sexuels, à savoir l’insertion
de l’organe génital mâle dans l’organe génital femelle dans un but de
procréation et de plaisir. Le théorème de Fermat, quant à lui, postule que si x, y et z sont trois nombres entiers élevés à la même puissance n la somme des deux premiers ne saurait être
égale au troisième lorsque n est
supérieur à 2.
Thomasina. Bèèh !
Septimus. Peut-être, c’est pourtant le théorème.
Thomasina. C’est répugnant et incompréhensible. Mais quand
je serai assez grande pour pratiquer ça moi-même, Septimus, ce sera toujours en
pensant à vous.
[…]
Arcadia, Tom
Stoppard. Adaptation française de Jean-Marie Besset.